Publié le 15/10/2018

Santé sexuelle et reproductive des jeunes sénégalaises

Démystifier les données

Le Sénégal compte en 2014 environ 765 000 jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans, soit 10% de la population féminine totale du pays.
Au Sénégal, peu de jeunes femmes recourent aux services officiels de santé sexuelle et reproductive; beaucoup semblent ne pas savoir avec certitude si elles sont autorisées à pratiquer la contraception avant 18 ans. Les jeunes femmes citent aussi les attitudes et les normes culturelles et religieuses qui censurent l’activité sexuelle prénuptiale parmi les raisons pour lesquelles elles ne cherchent pas à obtenir de services.
Un peu plus de la moitié (56%) des filles vont à l’école primaire ; cependant seulement 27% des jeunes femmes vont á l’école secondaire.
L’accès aux médias varie largement parmi les jeunes femmes de 15 à 19 ans: 62% déclarent une exposition au moins hebdomadaire à la radio, 66% à la télévision et 16% à la presse écrite. L’exposition aux médias est généralement supérieure parmi les jeunes femmes des milieux urbains, par rapport aux milieux ruraux.
Les jeunes femmes célibataires qui tombent enceintes subissent l’opprobre et la discrimination sociale; elles sont souvent rejetées par leurs parents et renvoyées de l’école.

ACTIVITÉ SEXUELLE

Près d’un tiers des sénégalaises de 15 à 19 ans déclarent avoir déjà eu des rapports sexuels.
34% des femmes de 18 à 24 ans déclarent avoir eu des rapports sexuels avant 18 ans; en milieu rural et dans le quintile de richesse le plus pauvre, ces proportions sont nettement supérieures, se mesurant à 48% et 66%, respectivement.
Une jeune femme de 15 à 19 ans sur quatre a déjà été mariée; la proportion est largement supérieure dans les plus pauvres (52%).

ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ REPRODUCTIVE

16% des jeunes femmes célibataires et sexuellement actives (ayant eu des rapports pendant les trois derniers mois), et 6% seulement de jeunes mariées, utilisent une méthode de contraception.
Parmi les naissances récentes aux femmes qui avaient moins de 20 ans au moment de l’accouchement, 20% ont été non planifiées.
Parmi les jeunes femmes sexuellement actives de 15 à 19 ans qui n’ont jamais été mariées, 77% présentent des besoins de contraception non satisfaits, parce qu’elles désirent éviter une grossesse durant les deux prochaines années mais n’utilisent aucune méthode contraceptive. Ces besoins de contraception non satisfaits atteignent des niveaux aussi élevés dans les milieux urbains que dans les milieux ruraux (80% et 74%, respectivement).
Parmi les jeunes femmes mariées âgées de 15 à 19 ans, près du tiers ont des besoins de contraception non satisfaits; chez les mariées, la proportion qui ont des besoins non satisfaits est plus grande dans les milieux urbains que dans les milieux ruraux (41% par rapport à 27%).
75% des mères qui avaient moins de 20 ans au moment du dernier accouchement déclarent qui s’était passé en milieu médicalisé; une moindre proportion (65%) fait état d’une assistance professionnelle qualifiée.

CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE SANTÉ SEXUELLE

Les jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans ont entendu parler, en moyenne, de trois méthodes modernes de contraception.
Un cinquième des femmes de 15 à 24 ans—et un dixième seulement de celles des deux quintiles les plus pauvres— déclarent pouvoir se procurer elles-mêmes un préservatif.
Si la plupart des sénégalaises savent que l’utilisation du préservatif et que n’avoir qu’un seul partenaire non infecté réduisent le risque de contraction du VIH, moins du tiers (29%) de celles âgées de 15 à 24 ans sont bien informées sur le VIH/sida (c’est-à-dire, elles sont au courant de ces deux méthodes de prévention, elles savent qu’une personne qui a l’air en bonne santé peut être séropositive et elles rejettent les deux idées fausses les plus répandues localement sur la transmission du VIH).

INÉGALITÉ DE GENRE ET NORMES SOCIALES

Trois quarts des jeunes femmes de 15 à 19 ans (72%) estiment que si le mari a une IST, sa femme a raison de lui demander d’utiliser le préservatif.
Cependant, 61% conviennent que le mari peut avoir raison de battre sa femme dans au moins une situation. De plus, 63% sont d’accord qu’une femme a le droit de refuser d’avoir des rapports sexuels si elle sait que son mari a une IST.
Seulement 20% des femmes mariées âgées de 15 à 19 déclarent prendre les décisions seules ou conjointement avec leur mari en ce qui concerne leurs propres soins de santé.


ENVIRONNEMENT DES POLITIQUES

La loi de 2005 sur la Santé de la reproduction reconnaît que le droit à la santé reproductive «est un droit fondamental et universel garanti à tout être humain sans discrimination fondée sur l’âge, le sexe, la fortune, la religion, la race, l’ethnie, la situation matrimoniale ou sur toute autre situation.»[2]

Il n’existe aucune restriction légale à l’accès des jeunes à la contraception et à d’autres services de santé élémentaires, tels que les tests de grossesse et des IST, sauf la nécessité d’avoir au moins 15 ans pour consentir au test du VIH.
Le Code pénal du Sénégal indique que l’avortement provoqué n’est pas légal, même pour sauver la vie d’une femme, et impose de lourdes peines de prison et amendes. Beaucoup de jeunes femmes recourent cependant à l’avortement clandestin qui peut, souvent, compromettre leur santé.


IMPLICATIONS EN MATIÈRE DE POLITIQUES ET PROGRAMMES

Ces données indiquent qu’une importante proportion de jeunes femmes sénégalaises ont eu des rapports sexuels et présentent dès lors des besoins d’information et de services de santé sexuelle et reproductive.
Les jeunes femmes des milieux ruraux et celles des ménages les plus pauvres ont le moins accès à l’information et aux services. Donc, elles sont les plus vulnérables aux grossesses non planifiées et aux IST. La priorité doit être accordée à ces groupes pour les atteindre avec des informations et services de santé sexuelle et reproductive.
Les besoins de contraception non satisfaits sont très élevés chez les jeunes femmes célibataires. Des mesures doivent être prises pour s’occuper des facteurs profonds qui expliquent cette situation, c’est-à-dire, le manque de services de santé accessibles et abordables, la stigmatisation de l’activité sexuelle en dehors du mariage et le manque d’auto-détermination chez les jeunes femmes.
Les données relatives aux attitudes des jeunes femmes concernant les droits sexuels et l’égalité de genre révèlent l’acceptation courante du rang inférieur et du traitement inégal de la femme. Un investissement accru doit être consenti à l’éducation et aux programmes en matière de la santé sexuelle et reproductive qui sont basés sur les droits.
Beaucoup de jeunes femmes ne bénéficient vraisemblablement d’aucune éducation sexuelle à l’école: peu d’entre elles vont à l’école secondaire et sans doute peu d’établissements scolaires abordent le sujet.
Les principaux intéressés se doivent d’adopter des stratégies efficaces—y compris l’éducation sexuelle à l’école et les forums hors école, tels que les programmes de sensibilisation communautaire et les campagnes médiatiques—qui apportent aux jeunes femmes l’information dont elles ont besoin pour protéger leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs.

La majorité des données citées sont tirées de: Anderson R et al.,Démystifier les données: guide pour utiliser les données disponibles afin d’améliorer la santé et les droits sexuels des jeunes, New York: Guttmacher Institute, 2013; et calculs spéciaux des données de l’Enquête démographique et de santé à indicateurs multiples 2010–2011 au Sénégal.

Ce document, et le guide qui a servi de base, ont été financés grâce à une subvention à la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF) du Ministère néerlandais des affaires étrangères, attribuée dans le cadre du programme «Choices and Opportunities Fund.»

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