Publié le 15/02/2021

« L’implication de la société civile dans la lutte contre la Covid-19 n’est pas aussi forte que l’on pourrait s’y attendre dans un pays comme le Sénégal » Daouda DIOUF

Face à la COVID-19, la société civile a un rôle immédiat à jouer dans la riposte. Au Sénégal et en Afrique de l’Ouest, les organisations et associations humanitaires sont en première ligne pour mettre en place plusieurs actions de riposte : appui en matériels médicaux aux structures sanitaires, sensibilisation des populations, distribution d’équipements de protection individuelle aux populations ou encore appui en kits alimentaires. Dans cette interview, Daouda Diouf, Directeur Exécutif de ENDA Santé, explique le rôle essentiel des organisations communautaires dans la réponse contre l’épidémie et évoque la question du vaccin.

La situation épidémiologique du coronavirus change constamment et les stratégies mises en œuvre ne freinent pas sa progression. Au vu des succès enregistrés dans la lutte contre le Sida, quelles recommandations faites-vous ?

Ce qu’on a appris de la lutte contre le SIDA, c’est qu’il faut toujours ajuster les stratégies, diversifier les approches et surtout renforcer l’implication de tous les acteurs en fonction de leur connaissance du terrain et de l’importance de leur contribution pour une réponse efficace. En fait, pour faire face à l’épidémie du SIDA, il y a une phase au cours de laquelle les efforts se sont presque exclusivement concentrés sur la recherche d’un traitement (médicaments) pour les personnes infectées, d’un vaccin et sur la prise en charge hospitalière. Très rapidement, on s’est rendu compte que cette stratégie était importante mais qu’elle ne suffisait pas.

C’est là qu’il y a eu un autre ajustement global qui a permis d’impliquer les acteurs communautaires. Leur proximité avec les communautés à travers des activités de prévention, de sensibilisation et de communication sociale ont été déterminants pour l’accès au dépistage et au traitement, le soutien psychosocial, la réduction de la stigmatisation et la réduction des nouvelles infections. Nous avons ainsi compris qu’à côté d’un système de santé, il est indispensable d’avoir une dynamique communautaire pour la santé offrant des services au plus près des gens et qui permet un ciblage plus précis des personnes en situation de vulnérabilité.

Dans sa communication, le Ministère de la Santé a invité toutes les structures de la société civile à s’impliquer dans la riposte. Existe-t-il une plateforme nationale de riposte contre la COVID et à travers laquelle tous les intervenants sont représentés?

Il y a beaucoup d’instances de lutte contre la COVID mais il faut reconnaître que l’implication de la société civile n’est pas aussi forte que l’on pourrait s‘y attendre dans un pays comme le Sénégal. Inviter la société civile, c’est une très bonne chose mais elle est déjà en train de faire un travail remarquable dans la lutte contre la COVID au niveau communautaire. Ce qu’il faudrait, c’est organiser un cadre plus clair, plus formel à travers lequel on valorise les contributions des uns et des autres. La société civile pourrait davantage jouer un rôle important dans ce qui est en train de se faire au niveau national. La question de la mobilisation communautaire a été beaucoup agitée.

On a vu des structures gouvernementales s’impliquer pour la mobilisation communautaire, ce qui est très bien, mais je pense qu’on aurait un engagement communautaire plus fort et durable s’il s’appuyait déjà sur les structures communautaires. Il en existe dans tous les quartiers et villages du Sénégal et travaillent de manière bénévole et n’ont pas besoin d’être financés pour faire cela. Ils ont déjà eu à le faire à de multiples occasions, que ça soit pour la vaccination des enfants, le paludisme, le VIH/ SIDA ou la Tuberculose. Il y a là un potentiel et des organisations qui ont une bonne connaissance du terrain et des approches pertinentes pour mobiliser, sur le long terme, les communautés.

Quelles leçons peut-on tirer de la situation quant à la gestion des catastrophes sanitaires et la souveraineté des communautés?

Il est important de renforcer la résilience des communautés face aux des urgences. Car, faut-il le rappeler, avant, pendant et après les catastrophes ou urgences, les communautés sont toujours là. Nous savons que nos états n’ont pas les moyens de faire face à toutes les situations inattendues et difficiles, nous devons donc investir davantage dans la préparation et le soutien aux communautés locales. Cela pourrait être une bonne politique pour pouvoir faire face à d’éventuelles urgences ou catastrophes qui pourraient frapper nos pays.

A l’instar de la communauté internationale, les autorités sanitaires se tournent vers le vaccin, mais les populations ne semblent pas convaincues. Quelle lecture en faites-vous ?

Nous sommes en démocratie, Il faut reconnaître aux gens le droit de dire s’ils sont d’accord ou pas. Notre rôle à nous, acteurs communautaires, c’est de donner la bonne information, d’être transparents et de relayer une vaste communication auprès des populations. Il y a des peurs qui sont légitimes mais il faut les dissiper avec une bonne communication. Toutes les résistances aux vaccins sont surtout liées à la circulation de fausses informations (Fake News) largement diffusées, à la peur et aux nombreuses théories du complot mais cela a toujours existé devant un fait nouveau.

Cependant, les théories du complot ne résistent pas longtemps à la force des preuves scientifiques et des avantages sur santé que chacun pourra apprécier par lui-même dans le temps. Il y aura toujours des personnes qui continueront à être réticentes mais ce n’est pas pour cela qu’il faudra parler de désaffection ou d’absence d’adhésion. Je suis convaincu que les lorsqu’on donnera aux populations les informations justes et vraies, elles prendront les meilleures décisions.

Enda Santé, 26 Février 2021

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