A son arrivée au poste de santé de Kirène, en 2015, Demba Bodé, infirmière chef de poste avait trouvé une situation nutritionnelle préoccupante. « Il y avait beaucoup de cas de malnutrition aiguë sévère (MAS) et de malnutrition aiguë modérée (MAM) chez les enfants âgés de 0 à 5ans ». Le poste appuyé par le District de Popenguine faisait de son mieux avec des activités de prévention (dépistage, et pesée), qui n’étaient pas suffisamment efficaces pour lutter contre la malnutrition dans la zone.
ENDA Santé dont la mission est d’accompagner les populations vulnérables et son projet intitulé « Wër Werlé », à travers le volet nutrition, est venu appuyer le District de Popenguine. Elle a déployé plusieurs actions dans les différentes localités du District visant à promouvoir et à améliorer les connaissances nutritionnelles et à autonomiser les femmes par la conceptualisation et la mise en place de greniers de l’enfant et l’organisation de démonstrations culinaires.
Fouck et Keur Ndiaye Lô, deux localités, situés à Kirène ont été les premiers sites à commencer l’expérience. Des repas communautaires accompagnés de démonstrations culinaires sont organisés tous les mois. Un prétexte pour mobiliser les mamans et les enfants ainsi que les acteurs communautaires pour partager de bonnes pratiques culinaires et les sensibiliser sur cette thématique. L’idée aussi est de faire de la lutte contre la malnutrition une préoccupation communautaire mais aussi d’outiller les femmes afin qu’elles puissent reproduire les repas (bonnes pratiques) une fois chez elles. Un plat local est alors cuisiné avec des condiments locaux collectés par les mamans au niveau de la communauté, servis aux enfants et aux mamans.
Les effets positifs des greniers et des démonstrations culinaires sur les enfants malnutris
Au bout de 3 mois d’activités, la prise en charge de ces cas de malnutrition avait porté ses fruits dans les deux zones. « Les MAS étaient sorties de la zone rouge et devenus des MAM et les MAM récupérés », se réjouit l’infirmière chef de poste de Kirène, Mme Demba Bodé.
Cette expérience pilote, s’est ensuite généralisée dans toutes les zones du District de Popenguine. Aujourd’hui ENDA Santé a installé 33 greniers. Avec ses partenaires opérationnels, elle envisage une extension et compte rajouter 23 autres greniers pour renforcer les acquis. Et en 5 années d’intervention (2017 – 2022), le cumul d’enfants atteints de (MAS) est passé de 454 à 16 enfants et celui des MAM de 85 à 22.
Pour alimenter les greniers et assurer leur pérennisation, le projet Wër Werlé, financé par Horizont3000 a développé avec les femmes des localités de Kirène, Dobour, Kignabour 1 et 2, Popenguine… des périmètres maraîchers. Ils sont gérés par les femmes, organisées en comité de gestion ou en groupement de promotion féminine. Toutes ont été formées par ENDA Santé sur les techniques de culture sur table et de production de fertilisants et d’engrais organiques naturels à base de plantes afin de produire des légumes sains, dépourvus de produits chimiques.
A Kignabour 1, sur la route de Popenguine, c’est un groupement de femmes qui tient le périmètre maraîcher. Faute de terrain, elles exploitent un lopin de terre, dans l’enceinte de la case de santé, derrière le bâtiment. Différentes variétés y sont cultivées : salades, aubergine, piment, gombo, choux, de l’oseille, des tomates, du poivron et de l’oignon. « Une partie de la récolte alimente le grenier de l’enfant de la zone. Une petite somme, recette de la vente des légumes, est versée également dans le compte du grenier », témoigne Saly Thiao, membre du groupement.
Non loin, de là, à Kiniabour 2, c’est le groupement Amsukoh Kad Fiki (en français ensemble pour un avenir meilleur) qui développe un périmètre maraîcher. En plus d’approvisionner le grenier, elles contribuent régulièrement à l’organisation des repas communautaires. « ENDA Santé a facilité l’installation du grenier et elle nous a appuyé en matériel de cuisine. En plus des contributions en nature que nous GIE faisons (niébé), il y a une bonne participation communautaire (chef de village, l’Imam, les hommes, les mamans, les bonnes volontés) aux repas que nous organisons pour les enfants. Nous avons organisé trois repas communautaires durant le mois de juin. Aujourd’hui, les populations sont conscientes de l’utilité du grenier et de la nécessité de sa pérennisation. Elles ne veulent plus voir un enfant malnutris », Ngoné Sène relais, membre du cercle.
Un transfert de compétences, de savoir-faire de bonnes pratiques agricoles et culinaires assuré
Nous avons observé la même dynamique partout où nous nous sommes rendus, à Kirène, Dobour. A Honkoma plus précisément, dans le Sindia, l’équipe a assisté à une démonstration culinaire. Il était 17 heures quand le repas était servi du « Ngourbane », un plat local à base de mil et d’arachide accompagné de poisson fumé et séché. Ici les bonnes pratiques culinaires, la valorisation des produits locaux et la promotion de la culture organique sont mises en avant et encouragées. La participation communautaire est également une réalité et on sent une appropriation de la stratégie par les populations. « Les condiments utilisés pour la préparation du repas ont été le fruit d’une collecte des mamans, des papas, du chef de village, de l’Imam et autres bonnes volontés. Chacun donne ce qu’il a et appuie régulièrement de son mieux l’organisation des démonstrations culinaires » Halima Kâ relais communautaire et Dispensatrice de soins à domicile (DSDOM) à Honkoma.
A Kirène, l’infirmière chef de Poste Bodé Demba se rappelle toujours d’une enfant malnutrie qui l’a particulièrement marqué.
Elle était toujours dans le rouge malgré nos interventions. Mais grâce aux savoir-faire et bonnes pratiques culinaires hérités du projet, nous avons pu la récupérer. Aujourd’hui, elle a grandi et elle se porte bien. soutient fière, l’ICP de Kirène.
Les femmes ont fait part à l’équipe de leur appréciation du projet :
En plus des démonstrations culinaires, que nous organisons, nous démultiplions les pratiques dans nos foyers au bénéfice des enfants mais aussi des personnes âgées et des femmes enceintes. Concernant le maraichage, les bonnes pratiques en termes de préservation de l’environnement sont observées puisque nous consommons des légumes produits de manière organique. Nous produisons notre propre engrais et des fertilisants organiques et participons à notre échelle, à préserver l’environnement.
Astou Ndour, secrétaire générale du groupement des femmes de Kiniabour 2